Poème

Solitaire

J'achèverai ma route en vieux loup solitaire,

abandonné de tous et par toi, mon amour.

Mes rêves sont brisés, à peine issus de terre,

par les dieux, le hasard, les maîtres de nos jours.


Les cieux m'avaient fait le don d'une princesse

d'Afrique ou d'Orient, de grâce auréolée

et nantie des vertus réservées aux déesses.

De chez moi la princesse, un jour, s'est envolée.


J'avais imaginé la vie comme un torrent de fête

dévalant les sommets de nos désirs blasés,

roulant des eaux gonflées comme un soir de tempête

que nous verrions s'enfuir emportant nos baisers.


Le monde était parti sur une autre planète.

Nous riions aux éclats sans nous soucier de lui :

le soleil était là pour nous deux, sur nos têtes

quand tout autour de nous, glacée, tombait la pluie.


Ma raison a cédé la place à cette mort

de mon âme gelée par les feux du soleil.

A ces rires de fausset me secouant dès lors

qu'un ciel déprimé et noir pleure son fiel.


Je vis à contretemps : mes humeurs vagabondes,

tous mes effondrements, tous mes pleurs et mes joies,

mes désirs de mourir qui effraient tout le monde,

sont insupportables, je le sais. C'est pourquoi,


j'achèverai ma route en vieux loup solitaire,

abandonné de tous, loin de toi pour toujours.

Mais puis-je t’en vouloir et à la terre entière

de fuir un fou, même s'il est un fou d'amour ?


Bruno Pinel, 2005

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